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10 septembre 2001... Keflavik...
Réveil un peu pénible ce matin. Nez bouché, oreilles qui sifflent... c'est parti pour un bon petit "rhube" de derrière les fagots. Après un dernier petit café je dépose Yves à l'aéroport. Durant quelques instants, je me trouve un peu perdu dans l'espace un peu vide de la voiture. Mais cette solitude ne va pas durer. A l'heure où j'écris ce carnet de bord, après une fin de journée bien remplie, j'ai fait la connaissance d'un plongeur, d'un vrai, Tomas Knutsson. Le personnage marquant qui se dévoile au cours de la conversation semble sorti des récits d'aventure de Cousteau. Je tente de lui expliquer mon projet pendant qu'il se déplace d'un endroit à l'autre cherchant je ne sais quoi... Le sceau, enfin trouvé! Il me tamponne le dos d'une photo en me la donnant. Recto, une image d'un cayon du lac Thingvallavatn, on nage en plein rêve. Visibilité minimum... allons, peut-être 20 mètres ou plus...
Comme nous sommes dans les échanges de carte, je lui tends une des miennes. Il s'empresse d'allumer son ordinateur pour voir "pourquoi-pas.ch", mais impossible de se connecter. Je prends le petit portable Ibook qui me suis fidèlement depuis mon départ et je lui fais découvrir les images de "Naufrage du Temps", que j'ai réalisées l'an dernier. Il change de cap en un instant, téléphonant à l'un de ses amis instructeurs pour m'emmener plonger. Il me propose d'entrer ma voiture dans le local afin que je puisse, sans lui avoir rien demandé, tout remettre en place.
Ce qu'il me dit de Arni confirme le sentiment que j'ai eu lors de notre rencontre à Reykjavik le mois passé. Je prends mes aises et profite d'être à l'abri pour remettre en état tout l'intérieur de la voiture. L'après-midi ne sera pas de trop pour évacuer un peu l'humidité qui s'est infiltrée ces dernières semaines. Voyant que je ne dispose pas d'endroit où dormir, il m'offre la possibilité de rester ici, à l'étage, dans un petit salon qui fait office de salle vidéo et de projection. Me sentant un peu redevable de tout ce qui m'arrive, je l'invite à manger ce soir au petit restaurant "Café Duus", tout à côté. Il accepte... En regardant la fenêtre, en direction du port, il me demande: "tu vois ce bateau là-bas..." puis fixant l'horizon, il ajoute "demain, si le temps le permet... nous irons jouer avec les dauphins..." Mais il faudra se lever tôt...
Le repas se déroule dans une atmosphère un peu décalée, mêlée d'islandais et d'anglais. Tomas partage la conversation avec les gens qui rentrent et sortent et qu'il semble tous connaître et moi, assis en face d'un homme qui me parle de ses expériences aux quatre coins du monde avec les plus célèbres plongeurs, notamment Jean-Michel Cousteau.

Je reste parfois sans voix devant toutes ces images qui me traversent. Il a fondé, voici quelques années, "Blue Army", une association qui s'occupe du nettoyage sous-marin des ports de la région, se mettant à dos certains "pros" de la branche... Les autorités le soutiennent évidemment dans cette entreprise et de nombreux articles et documents ont été publiés à ce sujet. Les magazines de plongée ont parlé de lui en Norvège, en Suède, au Danmark et même en Grèce. C'est dire la présence de personnage qui reste passionnée de sa vie derrière ses demi-lunettes qu'il chevauche souvent d'un air furetif. Il m'achève en me disant que très probablement un de ses amis pourrait me faire voir le "Pourquoi-pas". Après un repas poissonneux et excellent, je rentre prendre un peu de repos.

Bientôt minuit et bien-sûr je ne dors pas...

11 septembre 2001... émotion d'un jour sur mer...
Je trouvai Tomas le regard fixant le lointain lorsque j'arrivai dans l'immense local où séchaient les combis de leur plongée de la veille. Il m'annonça que nous allions préparer le zodiac pour aller rejoindre les dauphins... mais d'abord, le petit déjeuner. La boulangerie dans laquelle il m'emmena appartient à son frère. Dès notre entrée dans l'arrière-boutique ce fut un jonglage incompréhensible de rires et de bousculades sous des atterrissages réguliers de pâtons que le patron pesait et lançait avec attention. Je ne sus que choisir pour mon estomac tant le choix était varié. Finalement, nous retournions au club avec chacun un petit cornet rempli de délices...

Nous emportions avec nous pour ces quelques heures de "ballade" maritime, une combi étanche, palmes, masque et tuba. Je pris également le caisson étanche au cas où les "petits de Tomas" nous inviteraient à nous mettre à l'eau. La remorque attelée nous partions et tout au fond de moi j'espérais que cet instant que j'attends depuis tant d'années allait se réaliser. Le zodiac mis à l'eau, les premiers instants furent sublimes. Des nuées d'oiseaux décollaient à mesure que nous avancions, rythmant à chaque secousse de l'embarcation un départ de centaines d'ailes. Il y avait dans l'air une fraîcheur saline et poissonneuse traversée par un soleil timide. Après une demi-heure on aperçut les premiers souffles... Tomas me proposa de me placer au front du zodiac avec mon appareil et m'indiquera la direction où les dauphins approcheront. Poursuite effreinée sur les vagues, un dauphin passa à moins d'un mètre du zodiac. On les perdit une première fois. Second groupe quelques minutes plus tard, puis un troisième. Impossible de circonscrire un groupe et l'amener à la curiosité pour jouer. De plus, avec la mer qui commença à s'agiter assez fortement Tomas décida de retourner vers le phare où, quelquefois, des groupes de dauphins s'arrêtent. Le retour fut lent, la mer se démontait. Une sonnerie de mobile et il me demanda de prendre la commande de l'embarcation... c'était son frère à Keflavik. Je n'oublierai jamais l'expression que son visage prit à cet instant. Il me regarda et m'annonça qu'il y avait eu un attentat très grave à New-York. Le retour fut direct. Arrivé devant le local de plongée, il laissa les portes de la voiture ouvertes et le moteur en marche et l'on courut à l'étage consulter les nouvelles. Confus, je restai près de deux heures devant le poste en tentant de comprendre des images qui me semblaient tirées d'un film-catastrophe. En début de soirée, je sortis pour manger; je ne me rappelle pas avoir vu dans le seul regard des passants autant d'incompréhension. Une petite dame m'adressa la parole depuis derrière son échoppe comme si je la connaissais depuis toujours: "sad day..." me dit-elle en me rendant la monnaie.Je dois avouer que les jours qui suivirent cet événement furent amers pour moi, comme pour beaucoup de monde je pense. Les e-mails que je reçus dès lors se teintèrent de solidarité et quelquefois de poésie.Je laissai un peu la rédaction du site prendre du retard, et j'en suis désolé.

12 septembre 2001... retour à Landmannalaugar...
Tomas arriva avec le déjeuner ce matin. Il avait repéré le jour d'avant ce que j'avais mangé et a acheté le même "petit" croissant fourré. La télévision continua de fonctionner durant tout le repas, puis il me proposa un petit "meeting" afin qu'il puisse organiser un peu par téléphone mes déplacements vers ses connaissances. Il est pas mal occupé pour ces prochains jours, aussi je décide de partir marcher à Landmannlaugar jusqu'en fin de semaine. Je prépare la voiture et tout le matériel et juste avant de partir il me donne un petit billet avec son numéro afin que je l'appelle samedi paour prévoir la suite du programme. Je reprends la route en direction de Selfoss puis de Hella. Je fais une brève halte dans une petite pension pour confirmer que la piste est bien praticable pour ma voiture. Un ouvrier très sympathique me montre sur la carte la piste que je connais déjà et me rassure d'une tape amicale sur l'épaule.
Je m'arrête à maintes reprises au cours de la montée, séduit par une fin de journée exceptionnelle. Lors d'un de mes arrêts, j'entends ce petit cri qui m'est devenu familier depuis quelques semaines, celui des oies qui commencent à se regrouper. Moment très émouvant dans une plaine silencieuse. La place de camping sur laquelle nous nous étions arrêtés une semaine auparavant est déserte, tout est fermé. Je décide de passer une nuit dans la voiture, sur la banquette arrière que je libère tout spécialement.
Les derniers rayons du soleil frôlant la crête de l'horizon lointain donnent naissance à un éclairage étonnant, tout enrobé de douceur. Je me glisse finalement au chaud. Un peu plié dans cet espace exiguë, je me retourne un millier de fois durant la nuit pour trouver une position agréable....
13 septembre 2001... Landmannalaugar...
Réveil courbaturé, baigné de lumière. Hier, lors de mon infructueuse arrivée au camping , je décidais de redescendre de quelques kilomètres la piste, afin de me trouver au bon endroit pour effectuer quelques prises de vue. Une chance pour ce matin, le temps est dégagé... J'avale en vitesse ce qui me passe sous la main, j'emporte le trépied et tout le matériel photo et je m'en vais gravir une petite colline et prendre un peu d'altitude. Depuis mon trône, je distingue de petits volcans, des champs de lave à l'infini et au loin, trempés d'ocre et de vert, des sommets pointus et arrondis en bon ménage.

L'arrivée à Landmannlaugar se fait par deux guets que je traverse avec plaisir. Je pars immédiatement en repérage avec le petit appareil numérique. En fait de repérage, je suis irrésistiblement attiré dans ma quête d'un rocher à l'autre, d'une faille vers une fumerole... C'est finalement deux heures de ballade que je termine presque sous la pluie. J'ai rencontré lors de cette vadrouille, un couple de Suisses. Comme ils sont encore stationnés lors de mon retour, nous en profitons pour discuter un peu. Viennent se mêler à notre conversation un couple d'Allemands. Lui est plongeur et il a repéré le mono de 18 litres sur le toit. La pluie et le vent dispersent chacun de nous et je me retrouve à lire jusqu'en fin d'après-midi sur le siège de la voiture...

Je décide de rester ici jusqu'à demain en espérant pouvoir refaire la marche que j'ai faite tout à l'heure avec mon matériel photo au complet. Je passe la nuit au petit refuge en compagnie d'Allemands avec qui je sympatise. 23h, extinction des feux, plus un bruit ne brasse l'air frais du dortoir mis à part les gouttes de pluie qui cognent comme du sel lancé par poignées.
suite...
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